Adieu néodyme, samarium et dysprosium ? Un nouveau matériau magnétique pourrait libérer l’industrie mondiale
Il aura suffi d’un matériau inattendu le nitrure de fer pour mettre à mal une dépendance technologique planétaire. L’invention de Jian-Ping Wang, chercheur formé en Chine mais installé aux États-Unis, pourrait provoquer un véritable séisme industriel. En créant un super-aimant sans terres rares, l’ingénieur ouvre la voie à une alternative crédible et durable aux aimants néodyme-fer-bore largement dominés par la Chine.
Aujourd’hui, plus de 90 % des aimants permanents à haute performance sont produits ou raffinés par l’empire du Milieu. Et pourtant, c’est depuis le Minnesota qu’une startup américaine, Niron Magnetics, veut reprendre le contrôle.
Lire aussi :
- Un projet hors-norme en Chine : une centrale solaire capable d’alimenter un million de foyers sans interruption, nuits et jours, grâce à une technologie thermique inédite
- Parfum de douce revanche pour la Chine reprend à son compte une idée de Musk et prépare le premier train supersonique de l’Histoire
Le nitrure de fer : le nouvel or magnétique ?
Ce nouveau type d’aimant, à base de fer et d’azote, surpasse en puissance la plupart des aimants existants… sans contenir une seule once de terres rares. Cela signifie : plus besoin de néodyme, de samarium ou de dysprosium — des matériaux chers, toxiques à extraire et hautement contrôlés par Pékin.
Le nitrure de fer offre également une meilleure stabilité à haute température, un critère crucial pour les moteurs électriques et les systèmes embarqués dans l’automobile ou les éoliennes. Le tout avec une chaîne d’approvisionnement intégralement localisée aux États-Unis.
Niron Magnetics : une startup américaine avec une ambition planétaire
Pour industrialiser l’invention, Jian-Ping Wang a fondé Niron Magnetics. L’entreprise vient d’entamer la construction de sa première usine dans le Minnesota, avec un objectif clair : produire des aimants de nouvelle génération à grande échelle, sans dépendance à la Chine. Contrairement aux aimants traditionnels, leur fabrication ne nécessite ni procédés complexes ni infrastructures spécifiques, ce qui accélère leur potentiel de diffusion.
Le modèle industriel est fondé sur la rapidité, la scalabilité et l’indépendance. En réduisant les coûts de production et l’impact environnemental, ces aimants pourraient séduire massivement les fabricants d’équipements électroniques, de véhicules électriques, et même les géants du secteur médical.
Contexte tendu : quand la science répond à la géopolitique
Depuis que la Chine restreint ses exportations de terres rares, les États-Unis et l’Europe multiplient les efforts pour relocaliser leurs chaînes d’approvisionnement stratégiques. L’innovation de Niron intervient donc au moment parfait. Elle offre une alternative concrète à une dépendance qui devient un risque géopolitique.
La demande en super-aimants est en pleine explosion, dopée par la transition énergétique. Les éoliennes, les véhicules électriques, les trains à lévitation, les IRM… tous reposent sur ces composants magnétiques à haute densité. Or, selon les prévisions, le marché mondial des super-aimants atteindra 108 milliards d’euros en 2034, contre 42,8 milliards en 2024.
Un chercheur chinois… qui pourrait faire perdre des milliards à son pays d’origine
Le paradoxe est frappant. Jian-Ping Wang, dont la formation initiale s’est faite en Chine, pourrait aujourd’hui contribuer à fragiliser la domination économique de son pays d’origine. Pour Pékin, l’émergence de Niron Magnetics représente une menace stratégique. Pour les États-Unis, c’est une aubaine technologique.
Si les performances du nitrure de fer sont confirmées à l’échelle industrielle, alors un changement radical s’annonce. Plus écologique, moins coûteux, plus stable à haute température, cet aimant pourrait redessiner les rapports de force dans les hautes technologies.
Vers un futur post-terres rares ?
La transition ne se fera pas du jour au lendemain. Les aimants à base de terres rares ont encore un avantage en termes de compacité et de standardisation. Mais la pression économique et environnementale pousse l’industrie à chercher des alternatives. Et dans ce contexte, l’aimant au nitrure de fer s’impose déjà comme une réponse crédible, pragmatique et stratégique.
À la croisée de la science des matériaux, de la souveraineté technologique et de la course à la transition verte, cette innovation montre que les petits laboratoires peuvent encore changer le monde — surtout quand ils s’attaquent à un marché de plus de 100 milliards d’euros.
Ça vous a plu ? 4.5/5 (29)