La centrale la plus puissante du monde ne fonctionne pas à l’uranium et elle écrase le nucléaire
Dans un contexte mondial dominé par les débats sur l’énergie nucléaire, les énergies fossiles et les renouvelables intermittentes, une installation électrique surpasse toutes les autres, sans recourir à l’uranium, ni au charbon, ni au gaz. Il s’agit du barrage des Trois Gorges, situé en Chine, sur le fleuve Yangtsé. Avec une puissance installée de 22 500 mégawatts, il détient depuis plusieurs années le titre de centrale électrique la plus puissante au monde. Ce chiffre suffit à en mesurer l’échelle : c’est l’équivalent de quinze centrales nucléaires ou encore près d’un tiers du parc nucléaire français.
Une prouesse d’ingénierie hydraulique
Le barrage des Trois Gorges est le résultat d’un chantier titanesque qui s’est déroulé entre 1994 et 2012. Il mobilise 32 turbines de 700 MW, auxquelles s’ajoutent deux turbines supplémentaires de 50 MW. Cette configuration hors normes lui permet d’alimenter plusieurs dizaines de millions de foyers chinois. En 2020, la centrale a battu un record mondial avec une production annuelle de 111,8 milliards de kWh, témoignant de l’efficacité de cette infrastructure colossale. Ce barrage symbolise à la fois la capacité industrielle de la Chine et sa stratégie à long terme en matière d’indépendance énergétique.
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Une domination sans partage face au nucléaire et au charbon
La comparaison avec d’autres types de centrales permet de mieux comprendre l’ampleur du barrage. La centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, au Japon, longtemps classée comme la plus puissante du monde dans sa catégorie, atteint une puissance de 8 212 MW, soit trois fois moins. Quant à la centrale à charbon de Bełchatów, en Pologne, elle développe une puissance de 5 420 MW, mais continue de produire une grande quantité d’émissions de CO₂. Ces écarts montrent que l’hydroélectricité, dans les bonnes conditions géographiques et politiques, peut rivaliser avec les énergies classiques tout en étant bien plus propre.
Un impact humain et environnemental considérable
Mais ce gigantisme a un prix. La construction du barrage a nécessité plus de 20 milliards de dollars d’investissement et entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes. Des villes entières ont été englouties, des sites historiques ont été perdus, et l’écosystème du fleuve Yangtsé a été profondément perturbé. Les critiques pointent également du doigt des risques géologiques, une augmentation des glissements de terrain, et une perte majeure de biodiversité. Le projet, bien qu’ambitieux sur le plan énergétique, reste controversé sur le plan humain et écologique.
La Chine, géant de l’hydroélectricité
Le barrage des Trois Gorges n’est pas un cas isolé. La Chine domine largement le classement mondial des plus grandes centrales hydroélectriques, avec des projets comme Baihetan (16 000 MW) et Xiluodu (13 860 MW). À l’échelle mondiale, les cinq premières centrales les plus puissantes sont toutes hydroélectriques, et quatre d’entre elles sont chinoises. Ce choix stratégique montre la volonté du pays de s’affranchir des énergies fossiles tout en assurant une production massive, stable et renouvelable.
Vers un avenir encore plus ambitieux ?
Si le barrage des Trois Gorges semble inégalable, un projet encore plus ambitieux est en discussion : le barrage Grand Inga, en République démocratique du Congo. Il viserait une puissance de 39 000 MW, soit près du double de celle des Trois Gorges. Mais ce projet reste à l’état de concept, freiné par de nombreux obstacles financiers, politiques et techniques. D’ici là, le barrage chinois reste l’unique exemple mondial d’une production électrique renouvelable à très grande échelle, capable de rivaliser avec le nucléaire en puissance brute.
Une transition énergétique à la chinoise
Au-delà de l’hydroélectricité, la Chine investit massivement dans les autres énergies renouvelables. Elle construit actuellement la plus grande centrale solaire photovoltaïque du monde, avec une puissance annoncée de 3,5 GW, répartie sur plus de cinq millions de panneaux. Ce chiffre, bien qu’inférieur à celui des grands barrages, montre une volonté claire d’élargir le bouquet énergétique national. La stratégie chinoise repose sur une vision pragmatique : diversifier massivement tout en conservant une production centralisée et contrôlée.
Le barrage des Trois Gorges, plus qu’une centrale
À la fois symbole de puissance nationale, vitrine technologique, et objet de polémique, le barrage des Trois Gorges incarne toutes les tensions de notre époque : la course à l’énergie, les limites écologiques, les bouleversements sociaux, et les ambitions industrielles. Il montre aussi que l’avenir énergétique ne se résume pas à une opposition entre nucléaire et solaire. Il existe des modèles hybrides, massifs, alternatifs, qui peuvent repenser l’équilibre mondial. Et même si ce barrage ne peut être reproduit partout, il pose une question essentielle : quelle place voulons-nous donner à des projets capables de produire une énergie propre à une telle échelle, au prix de sacrifices humains et naturels colossaux ?