Nucléaire : Ce pays qui l’a interdit revient en force… en investissant massivement en France dans des réacteurs de 4e génération
Longtemps opposée à l’énergie nucléaire, l’Italie semble aujourd’hui prête à tourner une page majeure de son histoire énergétique. Malgré un passé marqué par un abandon volontaire de l’atome civil, le pays choisit de miser sur une technologie de rupture, portée par une startup franco-italienne prometteuse : Newcleo. Une révolution discrète mais décisive, qui pourrait remodeler le paysage énergétique européen d’ici la prochaine décennie.
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Un virage stratégique à 200 millions d’euros
Le gouvernement italien ne cache plus son ambition : il prévoit d’investir jusqu’à 200 millions d’euros via des fonds publics dans Newcleo, une jeune entreprise innovante spécialisée dans les réacteurs nucléaires de 4ᵉ génération refroidis au plomb (LFR – Lead-cooled Fast Reactors).
Cette décision signe un véritable changement de cap. Jusqu’ici, toute relance du nucléaire était politiquement taboue en Italie depuis le référendum de 1987. Mais la pression climatique, les enjeux de souveraineté énergétique et la course à la neutralité carbone rebattent les cartes.
Des réacteurs innovants conçus pour recycler les déchets
Newcleo développe une technologie qui réinvente un ancien concept : les réacteurs rapides refroidis au plomb. Initialement imaginés par les Soviétiques dans les années 1950 pour des applications militaires, ces réacteurs sont ici adaptés à un usage civil et durable.
Leur particularité ? Ils n’utilisent pas d’uranium enrichi et peuvent recycler les déchets radioactifs issus des anciennes centrales. Une approche doublement vertueuse, à la fois sur le plan écologique et stratégique.
Un prototype non nucléaire est attendu dès 2026 en Italie, tandis que le premier réacteur réellement opérationnel devrait être installé en France d’ici 2031. La décision de construire une première centrale commerciale pourrait intervenir dès 2029.
Rebâtir une filière nucléaire nationale, presque de zéro
Après plus de trois décennies sans centrales, l’Italie n’a plus de véritable industrie nucléaire opérationnelle. Mais tout n’est pas perdu. Des ingénieurs formés, des centres de recherche comme l’ENEA et des partenariats industriels donnent les premiers fondements d’une nouvelle filière.
Newcleo agit ici comme un catalyseur. L’entreprise vient de signer un accord stratégique avec Danieli Group, acteur majeur de la sidérurgie italienne, afin d’introduire ses réacteurs dans la production d’acier. Objectif : décarboner ce secteur clé, en remplaçant les fours à arc par une énergie propre, stable et décarbonée.
Un projet européen à trois têtes : Paris, Rome et Londres
Newcleo ne se limite pas à l’Italie. La startup affiche une dimension résolument européenne : siège à Paris, essais technologiques en Italie, et financements venant aussi du Royaume-Uni. Ce modèle hybride a permis à l’entreprise de lever plus de 400 millions d’euros en quelques années, sans prototype nucléaire actif à ce jour.
En février 2025, le gouvernement italien a posé les bases légales d’un retour au nucléaire, à travers un projet de loi créant un cadre réglementaire adapté. Une manière d’anticiper sans précipiter, en gardant le débat public ouvert tout en s’insérant dans les dynamiques européennes d’innovation énergétique.
Un nucléaire « nouvelle génération » plus modulaire et moins inquiétant
Contrairement aux grandes infrastructures traditionnelles comme les EPR, les réacteurs de Newcleo sont pensés pour être plus compacts, modulaires et décentralisés. Une manière de rendre le nucléaire plus acceptable, tant sur le plan économique qu’en matière d’image auprès du public.
Cette nouvelle approche pourrait bien incarner le futur du nucléaire en Europe : plus flexible, moins coûteux, et compatible avec des objectifs de neutralité carbone à horizon 2050.
Une renaissance nucléaire qui pourrait faire école
L’initiative italienne ne se limite pas à un simple projet industriel. Elle ambitionne de reconstruire une compétence nationale, de générer des emplois qualifiés et de sécuriser une partie de son approvisionnement énergétique, dans un monde de plus en plus instable.
Avec Newcleo en figure de proue, l’Italie tente un pari audacieux : reprendre pied dans un secteur stratégique, avec une technologie de rupture, à l’avant-garde des enjeux climatiques et industriels du XXIe siècle.
En résumé : les points clés du projet Newcleo
- Investissement public italien : jusqu’à 200 millions d’euros
- Technologie : réacteurs LFR (refroidis au plomb, sans uranium enrichi)
- Prototype non nucléaire : prévu en 2026 en Italie
- Premier réacteur opérationnel : 2031 en France
- Partenaire industriel : Danieli Group (sidérurgie)
- Objectif stratégique : neutralité carbone d’ici 2050
Ce retour inattendu de l’Italie sur la scène nucléaire, via une startup innovante et un projet transnational, montre que l’atome civil, longtemps décrié, n’a peut-être pas dit son dernier mot.
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